Située dans le Xème arr. de Paris, la rue de Lancry est le passage privilégié entre Place de la République et Canal Saint-Martin. Elle accueille des lieux éclectiques, concept-stores et commerces populaires. Au numéro 47, le duo créatif composé de Pascal Humbert et François Joos mettent en vitrine leur univers hybride. Le projet 047RDL est une galerie alternative où les collections UNTITLED 19, marque de luxe no-gender écoresponsable, côtoient des objets d'arts avant-gardistes.
Ancien pop-up, ce lieu d’un nouveau genre devient aussi un espace d’expérimentation des savoir-faire de ce duo et une représentation des inspirations de la marque. Depuis la façade, aux espaces intérieurs, jusqu'à l'arrière boutique sur cour, le projet est une immersion dans cette parenthèse poétique.
La devanture d'origine adopte un style classique. Entièrement habillée de bois noir, elle se compose de modénatures menuisées : cadres moulurés et corniches. La porte d'entrée se trouve en retrait, ménageant un sas abrité. Des pilastres en pierre de tailles soutiennent une imposte surdimensionnée et s'appuient sur un soubassement continu qui inversent les proportions plein-vide usuelles. Entourée de son imposant cadre, la petite vitrine propose une mise en abyme lui conférant son aspect théâtral.
Le projet réinterprète et transpose ces codes existants tout en transformant radicalement son esthétisme par une version entièrement en acier. La malléabilité de ce matériau industriel permet la réalisation de détails soignés faits de tôles pliées tridimensionnelles aux moulures continues. La complexité technique de cette enveloppe réside aussi dans l'intégration de machineries et d'équipements dissimulés. La confection de cette nouvelle devanture s'apparente à la précision d'une carrosserie jusqu’à sa finition.
Noire laquée : la vitrine et ses angles vifs aux retournements moulurés reflète la lumière de l’Ouest. Elle propose aux passants une perception mouvante de cette monochronie qui n’en est plus. L’habillage des piliers en miroirs trouble les perceptions spatiales, ses prolongements et ses distorsions.
La nouvelle corniche haute diffuse un néon qui la nuit tombée dévoile une lumière rasante. En partie basse, un faisceau lumineux encastré fait flotter la façade sur son socle en béton. Ces éclairages donnent un caractère résolument futuriste et cosmopolite à ce projet urbain.
Le seuil, en béton, souligne l’arrivée et, couplé à la présence des miroirs, il offre une transition nuancée entre l'extérieur et l'intérieur, l'obscur et le clair.
L'apparence rudimentaire de la pierre, des poutres brutes et du sol en granito s'efface derrière une scénographie assumée. Le projet se superpose à l'existant par le principe de boîte dans la boîte.
Ce caisson en bois s’oppose radicalement au noir laqué de l’extérieur par sa blancheur mate, lumineuse mais sans contrastes. Son enveloppe intérieure uniforme et unicolore confère à la galerie un aspect presque hygiénique. La lumière est blanche, indirecte et diffuse. L’atmosphère aseptisée laisse parler les objets, chaque pièce posée interroge sa dimension artistique ou utilitaire.
L’épaisseur générée entre l'ancien et le nouveau est mise à fonction par l'ajout d’éléments escamotables : tablettes ou niches. Une porte en demi-cercle suspendue plonge cette capsule dans une temporalité qui lui est propre.
Elle renferme l’arrière boutique et sa cabine d'essayage qui retrouvent un socle en béton. Un WC recouvert de damier noir et blanc, résolument rétro, apparaît presque épileptique en contraste avec la galerie. Dernière étape du parcours, l’accès à la cour s'achève par une porte à hublots, inspirée par Jean Prouvé. D'un noir laqué identique à la façade, elle revisite la version originale avec des volets en tôle perforées lui permettant d'être totalement vitrée. Une invitation à découvrir la « cabine ». Ultra-minimaliste et débridé, le projet reflète la nouvelle identité de l'enseigne et ses ambitions.